Chaque jour apporte de nouvelles révélations sur ce qui est en voie de devenir le scandale des compteurs d’eau à la Ville de Montréal. Dans la mire des journalistes de La Presse et de Radio-Canada, on retrouve l’entrepreneur Tony Accurso et dans son orbite le Fonds de solidarité et la FTQ-Construction.
Est-ce le retour du journalisme d’enquête par les seuls organes de presse qui en ont vraiment les moyens? Avant d’applaudir trop fort, examinons quelques faits troublants.
Dans son édition du 7 avril, le journal Le Devoir rappelait que le consortium Génieau de Tony Accurso n’était pas le seul sur les rangs pour le contrat de 355 millions de dollars, le plus important jamais octroyé par la Ville.
Il y avait aussi deux autres consortiums dont celui réunissant SNC-Lavalin, Suez Environnement et Gaz Métro, qui a finalement retiré sa proposition, alléguant que les délais imposés pour déposer une soumission étaient trop serrés.
Il n’est pas inutile de rappeler que Suez Environnement est contrôlé par le Groupe Bruxelles Lambert, lui-même détenu par le belge Albert Frère et la famille Desmarais. La famille Desmarais est propriétaire de Power Corporation et de sa filiale Gesca qui contrôle, entre autres, le journal La Presse, lequel opère en partenariat avec la Société Radio-Canada.
La mise à nu d’un scandale dans l’octroi du contrat à Génieau de Tony Accurso pourrait sans doute permettre son annulation et la réouverture des appels d’offres, ce qui laisserait le temps à Suez Environnement de rencontrer les délais pour déposer sa soumission.
Tremblay dans l’embarras
Déjà, l’odeur de scandale met dans l’embarras l’administration du maire Gérald Tremblay, depuis qu’il a été révélé que Frank Zampino, l’ex-président du comité exécutif, a effectué un voyage sur le bateau de Tony Accurso et qu’il a été embauché, quelque temps après sa démission, par la firme Dessau, également propriété de Tony Accurso.
Au moment même où le pouvoir du maire Tremblay vacille et ses jours à la mairie semblent compter, le chef de l’opposition à l’Hôtel-de-Ville de Montréal, Benoît Labonté, mène une campagne de visibilité de très grande ampleur avec de nombreux panneaux publicitaires dans le métro et sur les autobus de Montréal.
On demeure pantois devant un tel synchronisme!
On se souvient alors que M. Labonté a été chef de cabinet au Québec du ministre des Finances Paul Martin. Lorsque ce dernier est devenu premier ministre du Canada, il a nommé Benoît Labonté à titre de membre du Comité consultatif externe sur les villes et les collectivités.
Paul Martin fait partie du sérail de Paul Desmarais. Il a acquis la Canadian Steamship Lines, qui a fait sa fortune, de Power Corporation qui a même financé cette acquisition.
Bien entendu, nous serions accusé d’être un adepte de la « théorie du complot » si nous avancions l’hypothèse que l’empire Desmarais pistonne l’enquête de La Presse et de Radio-Canada en vue de faire rouvrir le contrat de l’octroi des compteurs d’eau et soutient en sous-main la campagne pour remplacer le maire Gérald Tremblay par son adversaire Benoît Labonté.
Nous n’avons aucune preuve que M. Labonté ait été invité à dîner au siège social de Power Corporation à Montréal ni qu’il a fréquenté le domaine Sagard ni qu'il a séjourné sur le luxueux yacht des Desmarais près de la Malbaie.
Gardons-nous donc d’émettre une telle hypothèse et applaudissons le journalisme d’enquête pratiqué par La Presse et Radio-Canada.
Permettez-nous toutefois de n’applaudir pour l’instant que d’une seule main.
P.S. À noter qu'en date du 9 avril ni La Presse ni Radio-Canada n'ont fait mention du lunch d’affaires offert par l’empire Desmarais pour introduire MIchael Sabia auprès du gratin du Québec Inc. et où l'on retrouvait le président du conseil de Transcontinental, Rémi Marcoux, le président du Groupe Jean Coutu, François Jean Coutu, l’ancien p.-d.g. de la chaîne d’alimentation Metro, Pierre Lessard, ainsi que les têtes dirigeantes du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, et de la Banque Nationale, Louis Vachon.
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