Quand on est rendu, au nom du divin marché, à spéculer sur les ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, les métaux et sur les aliments de base comme les céréales, les fruits et les légumes, c’est carrément le monde à l’envers.
Toujours le même «pattern» que l’on nous présente faussement comme le jeu de l’offre et de la demande dans une économie de marché avec ses lois naturelles fondée sur une concurrence pure et parfaite. Et, lorsqu’il y a des déséquilibres temporaires, la main invisible du modèle capitaliste ramène tout à l’ordre et surtout sans aucune intervention de l’État.
On spécule même sur le droit de polluer, donc de tuer, grâce à des véhicules financiers mis en place par les grandes institutions financières, celles-là mêmes qui sont responsables de la dernière crise financière. Le Devoir du 23 novembre 2009 titrait : «Les financiers alléchés par le marché (sic) du CO2. Les banques multiplient les partenariats pour gérer du crédit carbone».
Et, dans La Presse du 12 décembre 2009, il y a ces dévots inconditionnels de Cirano, un organisme patronal de recherche de même nature que l’Institut économique de Montréal, qui veulent nous embobiner en claironnant : «Sans système de prix (pour contrer la pollution) comme solution environnementale (sic), le sommet de Copenhague est voué à l’échec».
Selon ces sbires, le marché et les spéculations vont régler tous les problèmes environnementaux comme ils vont régler la pauvreté dans le monde, qui dépasse aujourd’hui un milliard d’individus selon l’ONU, tel souligné dans La Presse du 15 octobre 2009 : «Triste record pour l’humanité. Une personne sur six souffre de la faim». Faut pas s’en faire pour si peu!
La vérité est que tous les secteurs économiques sont composés de transnationales toujours plus grosses et plus puissantes qui forment des cartels. Dans le domaine alimentaire, ils éliminent, avec l’aide des politiciens, les petits agriculteurs qui les empêchent de pouvoir tout contrôler.
Comme dans les ressources naturelles, les médicaments, les banques, etc., les transnationales commencent par s’accaparer entièrement la ressource ou le produit afin de contrôler la production, c’est-à-dire l’offre.
Dans la revue d’affaires américaine Business Week du 7 décembre 2009, il est souligné : «Land rush in Africa. Agribusiness and global investors are scooping up vast tracts of farmland across the continent». On cite l’exemple de Dominion Farms.
Et cette autre dans La Presse du 30 janvier 2009 : «Un banquier new-yorkais mise sur l’éclatement du Soudan» et pour y parvenir Jarch Capital fomente la guerre civile en finançant l’Armée populaire de libération du Soudan (sic) et en se portant acquéreur de 400 000 hectares au Soudan, soit l’une des plus importantes transactions de ce type depuis, tenez-vous bien, la vente de l’Alaska au XIXe siècle.
Il y a aussi ces articles intitulés «La ruée sur l’Afrique» (La Presse, 18 novembre 2009), «La conquête mondiale des terres agricoles» (Le Devoir, 8 septembre 2009), «acheter des terres agricoles, un pari peu risqué» (La Presse 5 avril 2010) et «Prix des denrées. Retour à la terre des spéculateurs» (La Presse, 25 mars 2010) que vous devriez lire.
Puis, les spéculateurs comme les banques et les fonds d’investissement (Morgan Stanley, Goldman Sachs, Deutsche Bank) et les hedge funds entrent en jeu et achètent la production par le biais de véhicules financiers et de contrats afin de faire la grosse piastre en initiant des hausses de prix artificiels qui n’ont rien à voir avec les coûts réels.
Interviennent ensuite les importateurs, les grossistes, les distributeurs, les détaillants qui, à chaque étape, prennent leur «dû», et, en bout de ligne c’est le cochon de consommateur qui paie pour toute cette merde.
Et nos journaux, inféodés aux puissants, nous pondent comme «dossier», en première page s.v.p. «Forte hausse du prix des aliments. Le temps est venu de passer à la caisse». Faut se soumettre, comme ils le disent aussi pour l’essence et les médicaments. Faut changer nos «mauvaises» habitudes et ces hausses de prix ont du bon qu’ils vont jusqu’à nous seriner.
Jamais un dossier critique et professionnel sur ce que nous devrions faire pour casser ces cartels et ces spéculateurs et ainsi faire baisser les prix. Selon ces «journalistes d’enquête», faut pas que l’État intervienne, faut laisser le «marché» fonctionner sans entrave et sans irritant.
Le Devoir du 7 juin 2008 titrait : «Récolter les fruits de la flambée des prix alimentaires», article dans lequel on mentionnait que Deutsche Bank et d’autres instituts publicisaient fièrement leurs instruments financiers : «Vous réjouissez-vous de la hausse des prix alimentaires?». Le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, les a qualifiés de «criminels et de rapaces». Bien dit, monsieur Juncker.
Dans l’article du Devoir du 18 juin 2008 intitulé : «De Schutter et Ziegler critiquent la FAO (rattachée aux Nations-Unis)», le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, a dit «regretter que l’Organisation des Nations-Unies pour l’agriculture (FAO) ne se soit pas attaquée au ‘‘déséquilibre de pouvoir’’ entre les grandes entreprises, qui contrôlent 80% du commerce agricole dans le monde, et les paysans. Les agriculteurs font face à un petit nombre de grandes entreprises pour l’achat de semences, d’engrais et de pesticides. Ces sociétés sont en mesure de fixer les prix. Lorsque ces paysans vendent leur récolte, ils se trouvent à nouveau face à des multinationales qui achètent les récoltes à des prix qu’elles dictent. Les prix ne sont pas la résultante de l’offre et de la demande».
Tout ça produit des titres d’articles comme «Le sucre fait saliver les spéculateurs» (La Presse, 20 mai 2009), puis la spéculation donnant ses «fruits» : «Les cours du sucre atteignent un record» (La Presse, 4 août 2009), «Le prix du sucre à un sommet depuis deux décennies» (La Presse, 3 janvier 2010) et, enfin, «Le prix du riz pourrait doubler d’ici deux ans. Facture salée pour 3 milliards de personnes» (La Presse, 21 août 2006).
Et si jamais le prix de certains aliments baissent, échappant encore au contrôle des multinationales et des spéculateurs, le cartel au Québec formé de Loblaw, Sobey’s et Métro, qui contrôle plus de 80% du marché au détail, ne baisse pas les prix comme ils le disent eux-mêmes sans aucune gêne : «Pas d’économie à l’épicerie. Les bannières ne réduiront pas leurs prix, malgré le recul du coût de la nourriture», paru dans Les Affaires du 12 septembre 2009.
Sur ordre de mes thérapeutes, je dois terminer par une note jovialiste qui vient du professeur Sylvain Charlebois de l’Université de Saskatchewan, dont ses opinion sont régulièrement publiées dans La Presse, celle-ci datant du 19 novembre 2009 et s’intitulant : «Des sommets futiles (Copenhague). Misons sur les entreprises plutôt que sur les gouvernements pour éradiquer la famine». Ah mon doux Jésus, voilà que nos lucides québécois font des petits jusqu’en Saskatchewan!
En passant, Le Devoir du 2 avril 2010 titrait : «25 milliards$ en salaires (pour la seule année 2009) pour 25 dirigeants de hedge funds». Si mes calculs sont bons, ça fait une moyenne d’un milliard$ par «high-class». C’est Pauline Marois du PQ qui doit jubiler, elle qui fait constamment l’éloge de la richesse et qui au dernier congrès de son parti politique a donné priorité à la création de richesse pas collective mais bel et bien individuelle. Comme elle aime à le répéter, faut pas être jaloux des riches!
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