Québec allonge la liste des minéraux critiques et stratégiques

2024/02/16 | Par Marc Nantel

Le 13 janvier 2024, le gouvernement Legault annonçait en grande pompe l’ajout de  l’aluminium, du fer de haute pureté, de l’apatite, du germanium, du manganèse et de la silice de haute pureté à la liste québécoise des minéraux critiques et stratégiques (MCS). La liste passe donc de 22 métaux à 28.

La logique derrière cette annonce est de permettre au gouvernement de supporter financièrement les industries qui exploitent ces minéraux. Le gouvernement clame la  nécessité d’alimenter l’industrie des batteries avec ces métaux québécois et de leur importance dans la politique économique de la province.  Comme il était à prévoir, l’industrie applaudit : « L'Association de l'aluminium du Canada (AAC) se réjouit de l'ajout de l'aluminium à la liste des minéraux critiques et stratégiques du Québec. »

Dans la logique de la CAQ, les MCS sont une source de richesse pour le Québec. Le tout est de verdir le message et le tour est joué pour atteindre l’acceptabilité sociale. Pourtant, le message passe de moins en moins lorsque les gens prennent du recul pour analyser les impacts irréversibles sur l’environnement d’un tel développement minier.

Afin de renforcer le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques, les principaux intéressés de cette position répèteront sans relâche que c’est mieux d’exploiter ces richesses au Québec parce que nous faisons mieux qu’ailleurs. Pourtant, même si certaines techniques sont plus efficaces et que la main-d’œuvre est mieux traitée, au bout du compte des territoires seront détruits.

Augmenter l’offre sans la réduire

Rappelons que l’engouement pour l’électrification des transports vient de l’urgence de réduire les émissions atmosphériques de CO2 provenant de la combustion de l’énergie fossile. La solution avancée mondialement est de remplacer les moteurs à combustion par le moteur électrique.

Aucune concertation à l’échelle mondiale n’a été entreprise. On laisse entre les mains de l’industrie privée le loisir d’alimenter le marché de nouveaux produits de consommation. Nous sommes encore dans la logique industrielle des 150 dernières années, soit d’augmenter l’offre sans la réduire.

On s’en remet donc à l’industrie minière pour alimenter les manufacturiers. Cette industrie, rappelons-le, est destructrice de l’environnement. La décarbonation de l’industrie minière engendrera la production de panneaux solaires, d’éoliennes ou la construction d’autres barrages hydroélectriques afin de verdir l’industrie minière. Comment justifier autrement le développement durable de l’exploitation des métaux?

On se retrouve dans une logique absurde où l’industrie minière y trouve encore plus son compte. En effet,  elle doit extraire d’autres métaux pour construire les infrastructures nécessaires à la production d’électricité.  Bien que ce soit très payant pour eux,  c’est une pression encore plus grande sur l’environnement.

J’entends des objections du style : « Il faut bien aller vers l’électrification pour réduire nos émissions. » Je réponds qu’il faut prendre du recul malgré l’urgence d’agir, car la précipitation peut nous mener dans un gouffre plus grand. Dans la logique actuelle, le Québec et le monde entier devront se lancer dans la production de plus d’électricité pour alimenter la bête.

Résultat, ceci entraînera la perte de territoires. La construction de barrage, l’augmentation des sources de combustion tels le charbon, l’énergie nucléaire, le diesel et le propane liquide afin d’alimenter les batteries ne donnent aucun signe de l’amélioration de notre empreinte environnementale.

Des solutions à envisager

Alors par où devons-nous commencer? La réponse n’est pas populaire. Il faut réduire notre consommation, mettre fin à l’obsolescence des produits, réparer, recycler, augmenter les transports en commun ou encore densifier les villes.

Du côté minier, il y a des solutions viables qui sont applicables rapidement, mais nécessitent toutefois un consensus mondial qui n’est malheureusement pas évident. Ces solutions auront des effets majeurs sur les milieux qui vivent de l’exploitation minière, mais pouvons-nous continuer au rythme de destruction actuel?

Si certains métaux sont jugés critiques et stratégiques, certains sont complètement obsolètes. Il s’agit entre autres de l’or. La production de ce métal mythique ne sert qu’à environ 10% dans la production de produits technologiques. Le reste sert de valeur refuge pour les banques et les pays et aussi  à produire des bijoux. Depuis 1971, l’étalon or n’existe plus pour établir la richesse d’un pays. Il est donc envisageable de mettre fin à cette industrie. L’urgence climatique le dicte.

Le diamant entre dans la même catégorie. À elle seule, l’arrêt de la production de ces deux matières diminuerait de beaucoup la destruction de l’environnement. Pensons seulement aux écosystèmes, à l’eau, aux milieux humides et hydriques qui ne seraient pas sacrifiés.

Le recyclage est aussi une avenue à développer rapidement. La réutilisation du  fer que l’on retrouve dans tous les dépotoirs du monde devrait être une priorité afin de mettre fin à l’ouverture d’autres mines. L’économie circulaire est une expression à la mode. Elle aurait une importance notable dans la réduction de l’exploitation de nos ressources.

Toutefois, une amélioration des procédés est nécessaire. Pour l’instant, l’industrie se concentre sur les métaux payants comme l’or, l’argent et le cuivre. Le reste des matériaux est brûlé  et les résidus solides sont emmagasinés  dans des haldes comme à la fonderie Horne à Rouyn-Noranda. Les technologies pour améliorer les procédés existent. Il faut juste investir.

Une autre avenue très prometteuse est de mettre fin à l’obsolescence programmée. Cette mesure est simple à appliquer et peut l’être sans qu’aucun accord mondial ne soit exigé. La réduction des métaux est un effet direct de cette mesure. Chaque pays peut imposer ses règles sur les produits qu’il importe.

Malgré les objections que pourront susciter les propositions que je viens de présenter, elles sont nécessaires pour que la population prenne conscience que la filière batterie que le gouvernement Legault cherche à vendre n’est qu’une opportunité économique pour l’instant. Les effets bénéfiques tant vantés de l’électrification du transport n’est pas une avenue aussi verte et aussi efficace que le préconise l’industrie. D’autres avenues ne sont pas analysées parce qu’elles ne sont pas payantes, point à la ligne.

a logique est pourtant simple. La réduction à la source est la voie la plus simple et la plus rapide pour avoir un impact positif sur la protection de nos territoires. Pour les solutions à long terme, une concertation mondiale doit être entreprise et les décisions doivent être basées sur des recherches indépendantes.

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Suivi

Dans le dossier du conflit à l’accès à l’information entre la Fonderie Horne de Glencore et Marc Nantel, je suis heureux de vous annoncer que la compagnie abandonne tous les recours légaux et se conforme aux jugements de la cour à l’Accès à l’information et de la cour d’appel. Les documents sont donc disponibles pour consultation par la population. C’est une belle victoire et un renforcement de la loi à l’accès à l’information.