La Fonderie Horne déboutée en Cour d’appel

2024/01/17 | Par Marc Nantel

Le 20 décembre 2023, l’honorable juge Serge Champoux de la Cour du Québec a rendu sa décision concernant l’appel de la décision entre la fonderie Horne de Glencore, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (l’intimé), Marc Nantel (la partie intéressée) et la Commission d’accès à l’information (mise en cause).

La Fonderie Horne portait en appel la décision de la Commission d’accès à l’information du Québec (CAI) qui rejetait le 13 septembre 2022 sa demande de révision d’une décision du ministère, soit de communiquer à Marc Nantel le tableau « Annexe 1, Émission atmosphérique- Concentrés et sous-produits métallurgiques traités à la Fonderie Horne ».
 

Jugement en première instance

Avant d’en arriver au jugement de la Cour d’appel, il est important pour mieux comprendre de revenir à la décision de la première instance de la juge administrative de la CAI en 2022, Me Martine Riendeau. En 2020, je tentais d’obtenir le tableau ci-haut mentionné où l’on peut voir une liste de fournisseurs non identifiés, mais numérotés comme l’exige l’attestation d’assainissement de 2017. Même si le document était public pour les années 2016-2017-2018, la fonderie refusait que le ministère rende public le document de 2019, car les données étaient, selon elle, de l’ordre du secret industriel.

On pouvait retrouver dans ce tableau le tonnage traité et les concentrations en arsenic, en bismuth, en antimoine, en plomb, en cadmium et en mercure des concentrés livrés à la Fonderie Horne provenant de chacun de ses fournisseurs. Un constat sautait aux yeux : certains intrants comme l’arsenic atteignaient 20% de concentration, au lieu des concentrés les plus courants de 0,5% à 1,5%. Après avoir entendu les arguments de la fonderie, la juge Martine Riendeau a rejeté tous les arguments du demandeur et « ordonnait à l’organisme de communiquer à la partie intéressée … les tableaux en litige ».

On peut résumer la décision par : ce qui entre dans l’usine va affecter ce qui sort, donc ce sont des données publiques.
 

Jugement en Cour d’appel

L’audience en Cour d’appel s’est tenue le 21 novembre 2023 et la décision a été déposée un mois plus tard.

Dans le dépôt du jugement en Cour d’appel, le juge Champoux met en contexte le rôle de la Cour d’appel. En voici les principaux points.

Article 146. Une décision de la Commission sur une question de fait de sa compétence est finale et sans appel.

Article 147. Une personne directement intéressée peut interjeter appel sur toute question de droit ou de compétence, devant un juge de la Cour du Québec, de la décision finale de la Commission ou, sur permission d’un juge de cette Cour, d’une décision interlocutoire à laquelle la décision finale ne pourra remédier.

Au point 8 du jugement, le juge ajoute : Il parait évident dans la mécanique envisagée par le législateur que les demandes d’accès devraient être traitées et tranchées avec diligence et qu’inversement, il soit compris que des informations ou des renseignements qui ne sont transmis qu’au terme d’interminables procédures, perdront soit leur pertinence, soit leur utilité. Autrement dit dans ces domaines, bien souvent, le seul écoulement du temps équivaut à un déni d’accès.

Cette mise au point prend tout son sens puisque ma demande date de plus de trois ans.

L’argumentaire de la fonderie pour contester en Cour d’appel la décision de la juge du CAI se résume en deux questions.

Questions 1 : La CAI a-t-elle commis une erreur de droit déterminante dans son interprétation de l’exception au droit d’accès prévu à l’article 28 de la loi sur l’accès, en retenant un critère d’application qui n’est pas conforme à la loi?

Les avocats de la fonderie plaident que rendre public le document selon le cinquième paragraphe de l’article 28 causera un préjudice à une personne qui est l’auteur du renseignement ou qui en est l’objet.

Le juge réfute cet argument puisque l’article en question se situe dans une logique de répression du crime et des infractions pénales provinciales contenues dans diverses lois, ce qui n’est pas le cas dans ma cause.

Questions 2 : La CAI a-t-elle commis une erreur de droit déterminante dans son interprétation du paragraphe 4 de l’article 118.4 de la L.Q.E., ce qui l’a menée à conclure erronément à son application à l’égard de la demande d’accès de la personne intéressée?

Les avocats de la fonderie ont plaidé longuement cette question et ont tenté de démontrer que plusieurs articles de loi se contredisaient. Selon eux, ceci aurait dû être pris en compte par la juge de la CAI et elle devait aller au-delà de la lecture au premier degré de l’article 114.8. Le juge Champoux a longuement analysé les arguments de l’Appelante et dans un jugement étoffé les a rejetés.

« Les deux moyens de l’Appelante sont en conséquence rejetés. Pour ces motifs la cour rejette l’appel. »

C’est une victoire pour la transparence! La notion de secret industriel a des limites comme les décisions des deux niveaux de la cour de justice l’ont fait valoir. Les informations que je désire obtenir sont essentielles pour la population qui veut protéger l’environnement et sa santé. Selon la littérature, dans les années à venir les produits qui seront traités dans les fonderies à travers le monde seront de plus en plus contaminés. Il est donc impératif d’avoir des données sur les intrants afin de pouvoir évaluer l’efficacité de la fonderie Horne à les traiter sans contaminer l’air ambiant par ses rejets.

Les démarches que j’ai dû entreprendre ont au moins servi à renforcer le droit des citoyens à obtenir des informations que la loi déclare publiques.

La Fonderie Horne peut encore demander un contrôle judiciaire en Cour supérieure, mais sa plaidoirie sera encore plus difficile, car la décision sera basée sur des points encore plus serrés du droit. La décision devrait être connue d’ici la fin janvier.