Accès à l’information : mode d’emploi

2023/11/01 | Par Marc Nantel

Dans un dossier comme la Fonderie Horne, l’information joue un rôle crucial dans la prise de conscience de la population concernant la qualité de l’air, de l’eau et de l’environnement entourant la ville de Rouyn-Noranda. Pour obtenir cette information, la Loi sur l’accès à l’information (LAI) est l’outil tout désigné pour se procurer les documents que possède le gouvernement. Ces documents peuvent être présentés sous forme écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.

Procédure à suivre

La procédure est simple afin de permettre à toute personne, incluant les personnes morales, d’obtenir les documents recherchés. En principe, la loi est claire sur le sujet, mais il y a malheureusement des événements concernant des demandes de journalistes qui démontrent que ce n’est pas toujours le cas.

Vous n’avez qu’à acheminer votre demande à l’organisme public concerné, que ce soit un ministère, une municipalité ou autre. Son adresse courriel est disponible sur le site de la Commission d’accès à l’information. Vous recevrez en quelques jours un accusé de réception. Si les documents existent, on vous indiquera les délais prévus par la loi pour y donner suite. La plupart du temps, on vous signalera des délais supplémentaires pour obtenir les documents. Une mise en garde s’impose. Il faut limiter sa demande afin de ne pas se faire dire qu’elle est abusive. En cas de refus, vous avez toujours le choix de contester la décision, ce que je vous encourage à faire.

Dossier de la Fonderie Horne

En 2018, la santé publique a déposé les résultats de son étude de biosurveillance. Les résultats démontraient que les enfants de six mois à six ans vivant dans le quartier Notre-Dame, à côté de la Fonderie Horne, avaient quatre fois plus d’arsenic dans leurs ongles que les enfants vivant à Amos à environ 75km à vol d’oiseau de la fonderie. Il est à noter qu’une deuxième étude, en 2019, confirmait que le reste de la population avait la même moyenne de concentration d’arsenic dans les ongles.

Suite à la publication des données de la première étude, j’ai commencé en mai 2019, avec quelques citoyens, à compiler les différents documents (il est possible d’obtenir plusieurs documents en ligne sans passer par la LAI).

Avec des données de plus en plus inquiétantes sur la qualité de l’air à Rouyn-Noranda, je me suis intéressé à une compilation de documents que la fonderie Horne doit déposer annuellement. Pour y avoir accès, j’ai dû passer par la LAI.

Un document en particulier a attiré mon attention. On le retrouve dans l’annexe 1. Il se nomme « Émissions Atmosphériques de la Fonderie Horne. Concentrés et sous-produits métallurgiques traités à la Fonderie Horne ». On peut y lire les pourcentages des concentrés de bismuth, d’arsenic, de cadmium, d’antimoine, de plomb et de mercure par client.

Ces clients sont numérotés et non identifiés comme l’exige l’attestation d’assainissement de 2017. On y constate que certains produits ont jusqu’à 20% d’arsenic, au lieu des concentrés les plus courants de 0,5% à 1,5%, ce qui pourrait expliquer les pics enregistrés de particules d’arsenic qui sont émises dans l’air ambiant. J’émets l’hypothèse que ce qui entre dans l’usine doit avoir un effet direct sur ce qui en sort, j’en déduis que l’on peut diminuer les émissions toxiques dans l’air si l’on réduit le traitement de produits hautement contaminés.  

Suite à des demandes, j’ai obtenu les documents de 2016, 2017 et 2018 non caviardés. Cependant, la fonderie indiqua par la suite que ces documents avaient été remis sans son autorisation.

Suite à une autre demande d’accès le 10 juin 2020, j’ai aussi obtenu le document pour l’année 2019. Toutefois, le document remis contenait plusieurs données caviardées, dont celles qui m’intéressaient. On m’indiquait que ces documents appartenaient à un tiers et qu’ils étaient qualifiés de secret industriel. Je me suis donc prévalu de mon droit de contester.

Un processus long et exigeant

J’ai appris en même temps que le ministère de l’Environnement donnait raison aux arguments de la Fonderie Horne et que je devrais aller devant le tribunal pour défendre ma cause contre le ministère et la fonderie en août 2022.

Le processus de contestation est très long et il est exigeant pour un simple citoyen. On m’a invité entre autres d’assister à une séance de médiation avec l’avocate de la fonderie. Il n’y a pas eu d’entente.

Afin d’établir le temps de l’audience à venir, la juge nous a conviés à une séance commune où chacun des partis devait présenter ses arguments, le nombre de témoins prévu et le temps nécessaire lors de l’audience.

Rendu à ce stade, un simple citoyen n’a pas les outils nécessaires pour se défendre seul, car il faut trouver dans les différents articles de lois ceux qui justifient la demande. Ceci est très exigeant. J’ai mis énormément de temps à discuter avec des collègues et à consulter les différents articles de loi, dont ceux de la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la qualité de l’environnement et le Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. Je me suis aussi mis à lire certaines réflexions d’auteurs connus qui traitaient de la LAI. Plus j’avançais dans mon travail, plus je me sentais démuni.

Quelques mois avant l’audience, une bonne nouvelle arrive. Le ministère de l’Environnement change son fusil d’épaule et reconnaît selon l’article 118.4 de Loi sur la qualité de l’environnement la validité de ma demande. Je ne suis donc plus seul. De plus, ma démarche devient connue au niveau de MiningWatch Canada et Me Rodrigue Turgeon m’offre gracieusement ses services pour me défendre. J’avais maintenant une chance d’avoir un argumentaire solide devant la juge.

En bref, l’argumentaire qui a été produit par la fonderie à la cour est que le document que j’exigeais permettrait, grâce une forme équivalente à des marqueurs d’ADN, à des compétiteurs d’établir qui est la compagnie qui fournit les produits à traiter par la fonderie et que ces derniers ont une entente de confidentialité.

De notre côté le paragraphe (4o) de l’article 118.4 LQE est en jeu dans ce dossier. :

«118.4 Toute personne a droit d’obtenir du ministère de l’Environnement copie de tout renseignement disponible concernant les états des résultats relatifs au contrôle et à la surveillance du rejet de contaminants et tous les rapports et renseignements fournis au ministre en vertu de la section III du chapitre IV et des règlements pris en vertu de la présente loi. »  

4° les états des résultats relatifs au contrôle et à la surveillance du rejet de contaminants et tous les rapports et renseignements fournis au ministre en vertu de la section III du chapitre IV et des règlements pris en vertu de la présente loi;

La juge nous a donné raison, mais Glencore a contesté la décision et l’appel sera entendu le 21 novembre 2023. Cette fois-ci, j’aurai l’aide des avocats du Centre Québécois du Droit en environnement (CQDE).

Plus de trois ans plus tard, il n’est pas encore possible d’obtenir les données recherchées. La LAI est nécessaire, mais elle comporte d’énormes faiblesses.