Ce qu’il faut absolument savoir sur le Réseau Liberté-Québec

2010/10/21 | Par Réjean Parent

L’auteur est président de la Centrale des syndicats du Québec.

Un peu plus d’une semaine après que la communauté internationale eut servi une sévère rebuffade au Canada de Stephen Harper en lui refusant un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, notamment parce qu’elle ne se reconnaît plus dans les « nouvelles valeurs canadiennes », quelque 450 personnes se réuniront samedi prochain à Québec pour créer un réseau de droite prônant justement ces idées qui rebutent le reste du monde.

Initiative d’adéquistes déçus par la baisse de popularité de leur parti qui tentent de recréer une nouvelle force politique de droite au Québec, le Réseau Liberté-Québec soulève, semble-t-il, beaucoup d’intérêt puisqu’on a dû refuser des participants. Selon les organisateurs, au moins 700 personnes souhaitaient venir entendre les conférenciers, dont le ministre conservateur déchu Maxime Bernier qui aspire à succéder à son chef, Stephen Harper.


Des idées de droite qui ont miné l’image du Canada

Après la gêne, pour ne pas dire la honte, que la grande majorité des Québécois, souverainistes comme fédéralistes ont ressentie devant l’humiliation subie par le Canada la semaine dernière à l’ONU, il est surprenant que l’on compte encore 450 personnes ayant l’intention d’aller s’abreuver de ces mêmes idées de droite qui empoisonnent l’image du Canada à l’étranger.

Rendez-vous compte… Il se trouve 450 personnes qui vont aller entendre un Jacques Brassard et un Reynald Du Berger, le premier ex-ministre péquiste et le second ex-professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi, tous deux des négationnistes du réchauffement climatique et des pourfendeurs du protocole de Kyoto malgré le large consensus de la communauté scientifique mondiale. Une position qui nuit justement à l’image du Canada à l’étranger.


Quand l’erreur scientifique devient vérité pour la droite

Pas plus tard que lundi matin, le 18 octobre, Jacques Brassard donnait d’ailleurs une entrevue sur les ondes de CHOI-Radio X à Québec où il résumait les propos qu’il entend tenir samedi prochain pour « éclairer » la droite québécoise. À écouter l’ex-politicien, le réchauffement climatique par l’activité humaine est un pur mensonge, le fruit d’un dangereux complot pour apeurer les populations et faire dépenser inutilement des milliards de dollars aux États. Et notre Don Quichotte du climat confesse tout naïvement qu’il appuie ses thèses farfelues sur celles d’un grand scientifique français, Claude Allègre, qui a écrit un livre fort contesté, pour ne pas dire dénoncé, L’imposture climatique.

Cependant, ce qu’il ne dit pas c’est que les thèses de son mentor ont été désavouées quasi unanimement en France par la communauté scientifique alors que plus de 400 scientifiques, travaillant dans le domaine du climat, ont écrit à la ministre de la Recherche lui demandant d’intervenir pour rétablir les faits. De nombreux médias français, dont le sérieux journal Le Monde, ont d’ailleurs publié moult articles mettant en lumière les dérives scientifiques du personnage. Mais qu’à cela ne tienne, Jacques Brassard et Reynald Du Berger ferment volontairement les yeux sur ces faits et iront répandre leur évangile du climato-scepticisme à nos militants de droite en quête de vérité ! Et faut-il ajouter que Reynald Du Berger, drapé de sa réputation d’homme de science, a ses entrées dans nos écoles secondaires où il enseigne à nos jeunes « à se méfier de la science ».


Radio-Canada : « une officine du réchauffisme »

Lundi matin, Jacques Brassard accusait Radio-Canada, notamment ses journalistes scientifiques, d’être devenue « une officine du réchauffisme » poussant son délire jusqu’à expliquer qu’il n’écoutait plus des émissions comme Découverte et Les Années lumières parce qu’elles sombrent dans l’idéologie, faisant du « réchauffisme débridé et échevelé ». Un peu plus et Jacques Brassard essaiera de nous faire croire que Les Pierrafeu est un documentaire sur la préhistoire…

Faut-il également préciser que, dans ses chroniques publiées dans un quotidien du Saguenay, Jacques Brassard s’était fait un défenseur aveugle et sans nuances de la politique militariste de George W. Bush ? Même attitude à l’égard d’Israël et de son droit d’utiliser une force démesurée pour se défendre contre les Palestiniens. Là encore, des positions qui ont sapé l’image du Canada.


Guère mieux sur le plan économique

Et que dire de ces deux autres conférenciers, Adam Daifallah et Tasha Kheiriddin, et coauteurs du livre Rescuing Canada’s Right : Blueprint for a Conservative Revolution, qui ne proposent rien de moins qu’une révolution conservatrice au Canada en s’inspirant des idées de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher. Des idées qui ont mené la planète au bord du précipice et à cause desquelles il a fallu renflouer ces grandes corporations capitalistes, adeptes de la non-intervention de l’État et de la privatisation, avec de l’argent public. Des fonds qui provenaient en grande partie des impôts payés par la classe moyenne et sur lesquels les banques comme les géants de l’automobile n’ont pas craché. Et oups !, j’oubliais : ces deux conférenciers dénoncent évidemment eux aussi le protocole de Kyoto.


Le mépris du Québec… 15 ans avant Maclean’s

Et ça ne s’arrête pas là puisque le Réseau Liberté-Québec a également invité Ezra Levant, un avocat conservateur canadien, à venir prendre la parole à ce grand rendez-vous « des gens qui n’ont pas peur de vigoureusement défendre l’identité québécoise ». Et là, heureusement que le ridicule ne tue pas ou les fondateurs du Réseau Liberté-Québec seraient morts de leur belle mort avant même la tenue de leur première rencontre.

En effet, ils semblent avoir oublié que lors du dernier référendum de 1995, c’est ce même Ezra Levant qui disait souhaiter la victoire du OUI parce que cela conduirait à l’élimination au Canada du bilinguisme et du multiculturalisme. De plus, il ajoutait que le gouvernement canadien, enfin débarrassé du Québec, aurait alors la force de dire non aux « autres groupes d’intérêts particuliers », tels que les Premières Nations et les environnementalistes. Mieux encore, notre grand conférencier « de l’Identité » ajoutait que le départ des politiciens du Québec permettrait de mettre fin à la corruption à Ottawa… et il écrivait cela quinze ans avant la page couverture méprisante du magazine Maclean’s du 4 octobre 2010.

Des p’tits Jos Louis pour finir

Ouf ! Décidément, la grande rencontre de réflexion du Réseau Liberté-Québec qui aura lieu samedi prochain sera tout sauf ennuyante. Il ne manquerait plus que Maxime Bernier se mette à distribuer des petits gâteaux Jos Louis à tout ce beau monde pour boucler la boucle du ridicule…

Note : On peut accéder au blogue de Réjean Parent en cliquant ici (http://rejeanparent.ca/)


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