Le Québec est toujours au bas de l’échelle en ce qui concerne les redevances perçues sur les mines, voilà ce que la coalition Québec meilleure mine ! et MiningWatch Canada révèlent aujourd’hui dans une analyse comparative des différentes provinces et territoires canadiens (voir annexe). « Malgré les changements apportés au régime de redevances en 2010, le Québec demeure loin derrière, avec des redevances qui équivalent à peine à 2 % de la valeur brute produite.
Toute proportion gardée, c’est 2 à 3 fois moins que les meilleurs rendements au pays. Le Québec accuse un tel retard depuis les 8 dernières années que son manque à gagner se chiffre maintenant entre 1 et 4 milliards de dollars par rapport aux meilleurs taux de redevances ailleurs au pays.
Ce piètre rendement est inacceptable, particulièrement à l’aube d’un Plan Nord fortement axé sur les mines et dans le contexte d’un boom minier sans précédent au Québec », affirme Ugo Lapointe de la coalition Québec meilleure mine !
Le gouvernement contredit
Les résultats de cette analyse viennent contredire les propos tenus récemment par différents représentants du gouvernement, notamment ceux de la ministre Nathalie Normandeau affirmant que le Québec bénéficie maintenant du régime de redevances « le plus contraignant au pays »[1].
« Cette affirmation est tout simplement fausse, même lorsque l’on considère la récente hausse de redevances sur les profits appliquée en 2010 », dénonce Ramsey Hart de MiningWatch Canada.
Le Québec au bas du palmarès
Selon Christian Simard, de Nature Québec, « Il est consternant de constater que le Québec se contente toujours de si peu en retour de l’exploitation de ses ressources non renouvelables ».
Pour l’année fiscale 2009-2010, Québec n’a perçu qu’un maigre 114 M$ en redevances sur des revenus de plus 5,6 milliards.
En comparaison, la Colombie-Britannique a perçu 2 fois ½ ce montant pour un même niveau de production. Toute proportion gardée, Terre-Neuve et les Territoires-du-Nord-Ouest ont quant à eux généré 3 fois plus de redevances que le Québec au cours de la même année.
« Il est urgent de revoir le régime de redevances et de tenir un débat franc sur le modèle de fiscalité minière à instaurer au Québec », insiste Henri Jacob de l’Action boréale Abitibi-Témiscamingue.
Au cours des 8 dernières années, l’écart est tel que le Québec a perçu en moyenne 5 fois moins de redevances que l’ensemble des principales juridictions minières au pays, excepté pour l’Ontario qui figure également au bas du palmarès.
Les 8 provinces et territoires considérés dans cette analyse représentent plus de 90 % de la production minière au pays. Les données compilées proviennent de Ressources naturelles Canada et du ENTRANS Policy Research Group, lequel publie chaque année des données fiscales pour le compte de l’industrie (voir annexe).
Urgent de revoir le modèle de redevances
Québec meilleure mine ! insiste depuis plus de deux ans sur la nécessité d’un régime de redevances « plancher », avec un taux sur la « valeur brute produite » plutôt que sur les « profits ».
« Les profits sont hautement malléables et peuvent être facilement réduits, voire ramenés à zéro grâce à toutes sortes de déductions possibles. C’est ce qu’avait dénoncé le Vérificateur général du Québec en 2009, et les récents changements du gouvernement ne changent rien à cette réalité : les redevances s’appliquent toujours et uniquement sur les profits », explique Christian Simard.
Des redevances planchers s’appliquent pourtant déjà ailleurs au Canada, notamment en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Elles s’appliquent également ailleurs dans le monde, comme en Australie, en Chine, en Inde et aux États-Unis (Michigan, Arizona). Des redevances planchers permettraient d’assurer que toutes les ressources exploitées du sous-sol québécois soient compensées. « C’est comme une forme d’assurance, un seuil minimal de compensation pour l’épuisement de nos richesses collectives et non renouvelables », explique Ugo Lapointe.
L’exemple australien
Dans la plupart des États australiens — tous de très grands producteurs miniers —, on applique déjà des redevances « planchers » qui varient généralement de 3 à 8 % de la valeur brute produite.
Ces redevances sont souvent combinées à un deuxième taux de redevances sur les profits (jusqu’à 30 % dans les cas du fer et du charbon). « Si de telles redevances étaient appliquées au Québec, nous garantirions à l’État un retour de 2 à 3 fois supérieur aux prévisions actuelles du gouvernement pour les prochaines années », estime Ugo Lapointe.
L’exemple de l’industrie
Des redevances planchers sur la valeur brute produite s’appliquent même au sein de l’industrie lorsqu’une compagnie vend un actif minier à une autre compagnie. C’est le cas, par exemple, de la compagnie Virginia qui, en 2004, a vendu le gisement d’or Éléonore (Baie-James) à la compagnie Goldcorp pour plus de 450 millions $.
En plus, elle se garde une redevance privée pouvant atteindre 3,5 % de la valeur brute qui sera produite par la mine au cours des années à venir. Québec meilleure mine ! évalue la valeur de cette redevance à près de 300 millions $ si les ressources sont exploitées au prix de 1000 $ l’once d’or.
Ouvrir le débat
Au-delà de la question des redevances, Québec meilleure mine ! est d’accord pour ouvrir le débat à l’ensemble de la fiscalité minière et des nouveaux modèles qui pourraient être envisagés.
« Redevances, congés fiscaux et subventions, prises de participation dans les entreprises, 2e/3e transformations, voilà autant de questions d’intérêt public qui méritent d’être débattues, particulièrement à l’aube d’un Plan Nord fortement axé sur les mines et dans la foulée du dépôt du nouveau projet de loi sur les mines », affirme Henri Jacob.
« Ce débat est nécessaire, non seulement pour s’assurer que l’État tire davantage de bénéfices de l’exploitation de nos ressources non renouvelables, mais également pour mieux contrôler le rythme d’exploitation et, dans certains cas, éviter les effets néfastes de « booms miniers » trop rapides.
Au final, l’État doit remplir son rôle de fiduciaire de la ressource et s’assurer d’une meilleure redistribution de la richesse pour les générations actuelles et futures », de conclure Christian Simard.
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