Quiconque s’intéresse au dossier du financement de la recherche est probablement conscient du fait que le gouvernement fédéral n’investit que des miettes au Québec comparativement à ses investissements hors-Québec.
Par exemple, les plus récents chiffres de Statistiques Canada nous apprennent qu’en 2013 le gouvernement fédéral dépensait 315 millions de dollars au Québec comparativement à 1722 millions de dollars en Ontario.
En recherche, le fédéral dépense donc la bagatelle de 5,5 fois plus en Ontario qu’au Québec! Même en tenant compte du prorata des populations, le ratio entre les dépenses est toujours d’un scandaleux 3,2 fois en faveur de l’Ontario.
Voilà la trame de fond des investissements structurants dans cette fédération exemplaire qu’est le Canada : Ottawa tente par tous les moyens d’investir le moins possible en fonds productifs et structurants au Québec et quand il doit le faire pour ne pas trop éventer son jeu, il le fait de préférence dans les institutions anglophones du Québec, ce qui permet de maquiller quelque peu les chiffres globaux pour le Québec.
A ma connaissance, aucun économiste n’a jamais calculé l’impact économique cumulatif des investissements fédéraux effectués aux dépends du Québec français. Cependant la somme totale sur plusieurs décennies doit facile se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. De quoi expliquer, sans doute, une bonne partie de la « pauvreté » relative du Québec.
Aussi est-il toujours étonnant – ou non – de lire des articles comme celui-ci paru dans Le Soleil du 15 mars 2017 où cette trame de fond est soigneusement camouflée.
Dans cet article, l’on apprend que l’Institut National d’Optique (INO) « fait un petit en Colombie-Britannique ». L’article relate les propos du PDG de l’INO, Jean-Yves Roy : « «Cette nouvelle entreprise, notre première en Colombie-Britannique, vient confirmer la position de l'INO en tant que leader dans le domaine de l'optique-photonique d'un océan à l'autre».
L’INO, un centre de recherche privé financé par l’entreprise privée (à moitié environ) et par les gouvernements d’Ottawa (un quart) et du Québec (un quart) se réjouit d’être un leader « ad mari usque ad mare » dans le créneau névralgique de la photonique.
Rappelons que l’INO a été fondé à Québec par l’ex-recteur de l’université Laval Jean-Guy Paquet qui se désolait dans les années 1980 de voir tous les finissants en optique/photonique de l’Université Laval prendre le chemin de l’exil.
L’INO était, dès le départ, pensé comme un centre de recherche québécois ayant pour mission, avec l’appui de gens d’affaires et d’organismes de recherche Québécois (CRIQ, INRS), de transformer l’économie de la région de Québec en lui faisant effectuer un virage technologique.
Depuis sa création, l’INO a mené à la création de quelques 30 entreprises et 2000 emplois. L’INO a eu un gros impact sur la transformation économique de la région de Québec.
Malgré cetye feuille de route éclatante, l’INO a beaucoup de misère à renouveler son financement provenant du gouvernement fédéral (qui vient à échéance tous les 3 ou 5 ans)) et doit périodiquement quémander sa pitance au fédéral.
Pourquoi cette réticence fédérale à financer l’INO à la hauteur de son potentiel? Pour le gouvernement d’Ottawa, il y a manifestement un problème.
Un problème qui peut être formulé ainsi : la majorité (62%) des retombées économiques de l’INO ont lieu au Québec. Au fédéral, cela ne passe manifestement pas.
Conscient de cela, l’INO s’est embarqué dans une stratégie d’expansion « nationale » depuis quelques années en ouvrant des bureaux ailleurs au Canada, dans le but manifeste (mais non explicite) de diminuer la part de retombées économiques qui va au Québec, de présenter un visage « canadien », et de permettre ainsi de renouveler plus facilement le financement fédéral. Cela n’est jamais dit explicitement dans les médias, mais la stratégie est cousue de fil blanc.
Mais de là à nous présenter le démarrage d’une entreprise en Colombie-Britannique par l’INO, à l’aide d’une technologie développée à Québec, en partie avec des fonds québécois (directement ou indirectement), comme « une grande première », comme l’a fait Le Soleil, il y a des limites!
Quand les gens d’affaires de Québec, quand le gouvernement du Québec, vont-ils taper du poing pour exiger que l’INO soit financé correctement et que le fédéral cesse le chantage à son égard?
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