L’autrice est membre du RVHQ
« …je ressentais profondément la vulnérabilité, la fragilité de l’enfance en ce monde, et que c’est pourtant sur ces frêles épaules que nous faisons porter le poids de nos espoirs déçus et de nos éternels recommencements. » Gabrielle Roy, Ces enfants de ma vie, 1977
Même si nous aimerions souvent l’ignorer, la crise climatique est le nouveau paradigme de nos vies. Dans ce contexte, comment outiller le corps enseignant et les élèves pour relever les défis du présent et de l’avenir?
Partout dans la société, l’angoisse monte chez les citoyennes et citoyens au vu des catastrophes qui affligent certaines régions du monde, proches ou lointaines. L’aggravation de la crise est présente dans tous les médias, et le sujet devient incontournable. Ce sentiment d’écoanxiété, qui commence à faire l’objet d’analyses et de recherches, peut toucher tout le monde, enfants comme adultes, et n’est pas nécessairement une pathologie, mais plutôt une réaction normale à une situation anormale.
Les enseignant.e.s, comme les autres, vivent du mieux qu’ils peuvent leur vie personnelle, avec ses hauts et ses bas. Ils ont cependant la belle et lourde tâche d’instruire les enfants, les générations futures, qui devront vivre avec l’inquiétant passif social et écologique, héritage de notre génération et de celles qui nous ont précédés.
Et contrairement à certains discours de la classe dirigeante, leur première tâche n’est pas de former de la main-d’œuvre pour répondre aux besoins du marché, mais de transmettre des connaissances à leurs élèves et de les éduquer, c’est-à-dire de leur apprendre à prendre leur place dans la société dans le respect des autres et du monde qui les entoure.
Nous observons que la réaction à la crise climatique de certaines personnes enseignantes – et de certaines administrations scolaires – est parfois de l’ordre du déni (la crise n’est pas si grave; ici, nous sommes à l’abri; la technologie va nous apporter toutes les solutions).
Elle peut être aussi un sentiment d’accablement (nous croulons déjà sous les tâches; nos conditions de travail empirent; nous sommes épuisé.e.s et n’avons pas d’énergie à consacrer à de nouvelles activités pédagogiques).
Cette réaction est aussi souvent un sentiment d’impuissance (il est trop tard de toutes façons; nous ne pouvons rien faire).
De plus, la pandémie de la COVID-19, qui ne veut pas s’éteindre, ajoute un poids d’inquiétude qui affecte l’ensemble de la population, et touche directement le monde scolaire dans son quotidien.
Et les enfants des écoles? Que savent-ils de la crise climatique? Ils en ont des échos, bien sûr : les feux de forêt, les inondations, les canicules. Comment les outiller pour que, devant ce monde que nous leur laissons, ils ne se sentent pas découragés, en colère, victimes de l’irresponsabilité des personnes qui les ont précédés, impuissants devant l’ampleur des défis? Comment les aider à devenir des acteurs et actrices de ce grand chantier de la transition?
Ce qui nous parait fondamental, surtout à l’école primaire – les jeunes enfants sont des éponges, et ne sont pas encore mobilisés par les tourments de l’adolescence –, c’est de continuer à leur transmettre une bonne culture générale pour les aider à comprendre et à aimer le monde qui les entoure. Leur apporter des connaissances scientifiques diverses, et ne pas négliger la géographie et l’histoire pour qu’ils se sentent ancrés dans le temps et dans l’espace. Leur donner des moyens d’expression divers, dans l’écriture et dans les arts.
Le mirage des écrans éloigne de la réalité; donc, pour que cet attachement à leur monde soit concret et leur donne des possibilités d’agir, il faudrait autant que possible les sortir des murs de la classe, leur donner l’occasion d’ancrer leurs savoirs dans le contact direct avec la vie végétale et animale, par la compréhension des paysages naturels, agricoles et urbanisés, par la perception de l’importance des sites patrimoniaux. Tous ces éléments forgent l’identité culturelle et le sentiment d’appartenance, créant chez les enfants un système de valeurs qui peut les soustraire en partie aux dictats de la société de consommation, du monde virtuel et de la pléonexie (vouloir toujours plus).
Comment outiller le corps enseignant dans ce contexte?
Au niveau individuel et psychologique, un ouvrage comme celui de Karine St-Jean, Apprivoiser l’écoanxiété (Éditions de l’homme, 2020) est précieux : bien documenté sur le plan climatique, il propose une réflexion sur nos attitudes et nos émotions, et donne des pistes pour apprendre à vivre avec elles et à les transformer en moyens d’action.
Le magazine L’actualité propose divers articles sur le sujet.
Au niveau individuel et collectif, de nombreux ouvrages sont publiés au Québec; citons entre autres celui de Laure Waridel, La transition, c’est maintenant (Écosociété, 2019), essai très fouillé et instructif.
Au niveau professionnel, des ressources comme celles du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE, UQAM) sont mises à la disposition du corps enseignant et de la communauté étudiante.
La crise climatique est désormais présente; tout comme la pandémie, qui y est liée du fait de la perturbation des écosystèmes, elle modèle notre réalité. Nos mentalités, nos idées, nos relations aux autres et à la nature, notre style de vie ne seront plus jamais les mêmes. Quel beau et grand projet pour les enseignant.e.s que de contribuer à changer le monde avec les enfants!
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