Dans un article publié dans le journal Le Monde daté du 8 décembre 2022, Philippe Askenazy, chercheur au Centre Maurice-Halbwachs [ENS-CNRS-EHESS], écrit que la mobilisation pour la reconstruction de l’Ukraine est déjà enclenchée.
Une soixantaine de délégations gouvernementales, un millier de participants au total, en ont discuté le 4 juillet à Lugano (Suisse). L’ampleur du chantier s’annonce considérable tant les dégâts matériels et humains sont majeurs.
Selon Philippe Askenazy, le principal conseiller économique du président ukrainien est un brillant économiste, professeur à l’université de Cambridge, Alexander Rodnyansky, fils du fondateur de la chaîne qui fit connaître le comédien Zelensky au grand public.
Dans une interview au Guardian au mois d’octobre, il ne cache pas que l’Ukraine doit devenir attractive par un vaste programme de privatisations et une remise à plat du droit du travail. Les documents circulant lors de la conférence de Lugano plaident pour une flexibilisation de ce droit.
Le « brouillon » du plan de reconstruction cite comme contrainte institutionnelle à un « marché du travail moderne » la « position de résistance des syndicats ».
Le programme de réformes est déjà engagé. Si, dès le début de la guerre, la loi martiale a suspendu des pans entiers du droit du travail, de nouvelles lois ont vocation à durer au-delà du conflit.
Une première a introduit le contrat « zéro heure » similaire au modèle britannique (contrat de travail sans garantie du nombre d’heures rémunérées). Une deuxième, votée en juillet, soustrait les salariés des entreprises de moins de 250 employés (70 % de l’emploi salarié) de la couverture des accords collectifs.
Les secrétaires généraux des Confédérations internationale et européenne des syndicats ont dénoncé, dans un courrier d’une rare fermeté, adressé à la Commission et au Conseil européen, une loi « antisociale », « motivée par des oligarques derrière le parti au pouvoir, qui se moquent des intérêts du peuple ». Très engagées contre la guerre en Ukraine, ces confédérations ne sont guère suspectes de complaisance avec la Russie.
Le gouvernement de Kiev, peu impressionné par cette alarme, a présenté au Parlement de nouvelles mesures dites de « dé-soviétisation ».
À l’indépendance, en 1991, rappelle Philippe Askenazy, la Fédération des syndicats de l’Ukraine avait récupéré une part importante des biens possédés par l’ex-syndicat soviétique. Elle dispose ainsi d’un foncier important pour ses activités militantes, et de ressources financières. Mais ces biens seraient confisqués sans compensation.
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