« Enwoye à shop! »

2023/12/13 | Par Alain Dion

L’auteur est retraité de l’enseignement collégial.
 

Les masques tombent dans la négociation qui oppose le gouvernement Legault et les travailleuses et les travailleurs de l’État québécois. Après avoir encensé ses « anges gardiens »; après avoir joué le personnage conciliant; après avoir supplié le personnel enseignant, la main sur le cœur, de cesser leur grève pour le bien des enfants; voilà maintenant que François Legault se renfrogne, bombe le torse et prévient que « ça risque de brasser dans les prochaines semaines ». Après le mirage du bon père de la nation, voilà que se réveille le patron qui sommeillait…

Les derniers jours auront également permis d’étaler sur la place publique le fond de la pensée de François Legault : « c’est comme ça que ça marche au privé, et c’est comme ça que ça devrait marcher dans les services publics. » Le boss a parlé. Le jugement est sans appel. La solution était si simple. Augmenter le pouvoir des patrons. Tu souhaites travailler comme infirmière, comme enseignant, comme préposée aux bénéficiaires ou comme employé de soutien dans un cégep ?  C’est facile, écoute le boss pis « Enwoye à shop ! ». Après avoir consacré 36 ans de ma vie à l’enseignement collégial, je peux vous assurer que droit de gérance est loin de rimer avec efficacité, rendement et réussite…

François Legault a probablement raison. Ça risque de pas mal brasser dans les prochaines semaines. Mais c’est son arrogance et son aveuglement idéologique qui auront alors conduit à un affrontement social au potentiel dévastateur. Il joue au matamore en souhaitant en découdre avec les organisations syndicales, mais il s’en prend plutôt à des milliers de travailleuses et de travailleurs dévoués. Des gens qui, jour après jour, soignent nos gens, enseignent à nos enfants, accompagnent de mille façons la population. Toutes ces personnes qui, depuis tant d’années, portent à bout de bras le réseau de la santé, les réseaux de l’éducation et de l’enseignement et plus largement l’ensemble de nos services publics.

Ce gouvernement semble aujourd’hui prêt à laisser pourrir ce conflit de travail en espérant malicieusement regagner l’estime du bon peuple. Qu’importe les conséquences que cette manœuvre aura sur les employées et employés de l’État ou sur les services rendus à la population. Et le bien de nos enfants là-dedans ? La santé et la sécurité de la population ? On repassera. Diviser pour régner. C’est petit et odieux.

Comme l’écrivait si justement Gilles Vigneault dans sa Lettre de Ti-cul Lachance à son premier ministre :

« Dans tes menteries télévisées,
Des fois tu oublies de te déguiser
Pis on voit tes deux faces
Tu vends mon chemin, tu vends mon pas
Tu vends mon temps, pis mon espace
Tu penses que je m'en aperçois pas
[…]

Je peux pas croire que tu sois si bas
Je peux pas croire que tu sois si ratFaudrait que tu sois si bête
À semer du vent de cette force-là
Tu te prépares une joyeuse tempête
Peut-être bien que tu t'en aperçois pas »