La gauche, le mouvement syndical et l’immigration

2024/01/31 | Par L’aut’journal

L’immigration est la question de l’heure. Comme contribution au débat, nous rendons accessible une étude de la Fondation Jean Jaurès, intitulée « La gauche et l’immigration. Retour historique, perspectives stratégiques », de Bassem Asseh et Daniel Szeftel.
 

Dans un premier temps, les auteurs rappellent la position classique, s’inspirant de Marx, développée par le socialiste français Jean Jaurès en 1895 : «Et de même, nous protestons contre l’invasion des ouvriers étrangers qui viennent travailler au rabais. Et ici il ne faut pas qu’il y ait de méprise : nous n’entendons nullement, nous qui sommes internationalistes […] éveiller entre les travailleurs manuels des différents pays les animosités d’un chauvinisme jaloux ; non, mais ce que nous ne voulons pas, c’est que le capital international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. Nous voulons protéger la main-d’œuvre française contre la main-d’œuvre étrangère, non pas, je le répète, par un exclusivisme d’esprit chauvin, mais pour substituer l’internationale du bien-être à l’internationale de la misère.»

Dans cette optique, la gauche a cherché historiquement un équilibre entre la régulation de l’immigration et la solidarité internationale et proposé des solutions : défense de l’emploi, des salaires, de la protection sociale, de l’intégration et de l’égalité territoriale.

Cependant, à partir des années 1980, la position sur l’immigration évoluera de la défense classique des immigrés, victime d’une surexploitation capitaliste vers la promotion des minorités culturelles, puis religieuses.

Cette promotion du différentialisme va jusqu’à la défense de la différence religieuse, à rebours là encore de la position matérialiste et anticléricale habituelle de la gauche. Il n’est donc plus question de réguler l’immigration pour des raisons économiques, ni même de faire de gros efforts d’intégration pour des raisons culturelles, puisque les différences doivent être maintenues et même défendues.

L’idéologie sans-frontiériste à la française est alors fermement constituée : refus d’articuler la question sociale à la question migratoire conduisant à l’acceptation de l’immigration comme un état de fait, voire comme un droit, magnification du droit à la différence et exacerbation des identités.

Alors que le thème de l’immigration était absent de la plate-forme électorale du Front National pour l’élection présidentielle de 1974, le FN le récupère en le présentant sous un angle bien éloigné de celui abandonné par la gauche. Le FN parle d’« invasion migratoire », et de « grand remplacement ».

De plus, une certaine gauche communautariste, qui se qualifie aujourd’hui de « décoloniale » critique les politiques d’intégration, y voyant la volonté d’imposer un rapport de domination, héritier des pratiques du colonisateur.

Prise entre ces critiques et celles opposées venant essentiellement de la droite identitaire des tenants de l’assimilation, qui met à la charge unique de l’immigré les efforts nécessaires d’insertion, la politique d’intégration ne peut jamais se développer qualitativement et quantitativement, concluent les auteurs avant de proposer une approche qui renoue avec les positions classiques et historiques de la gauche.

Bien que le document traite de la situation spécifique de la France, on y reconnaît plusieurs des enjeux auxquels nous devons faire face au Québec.

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