Les assemblées d’actionnaires des sociétés cotées en bourse sont d’une insignifiance couronnée et une parodie de démocratie actionnariale qui reste à être inventée.
À ce chapitre, celle de la Banque Nationale du Canada, le 29 février 2008, demeurera un chef d’œuvre de bêtise et d’arrogance :
1- La banque a envoyé à l’égout 575 millions de dollars de l’avoir des actionnaires dans la sulfureuse affaire des papiers commerciaux soi-disant adossés à des actifs;
2- Un milliard sept cents millions de ces papiers crasseux ont été envoyés dans les limbes de l’avenir en espérant que le temps arrangera les choses;
3- De 65 $,au début de 2007 l’action de la banque vivote aux alentours de 50$, ce qui représente une perte de plus de 2 milliards qui pourrait s’aggraver compte tenu de la morosité des marchés et de la faiblesse d’une économie continentale à la traîne, secouée par le dynamisme de pays émergents.
4- Le président et chef de la direction de la banque, génie de la finance, comme de bien entendu, touche un salaire de 3,9 $ millions en 2007, alors que les actionnaires raclent leurs fonds de tiroirs. Il a la bonté de placer en fiducie 2,5 millions de ses avoirs personnels de papiers commerciaux, en attendant des jours meilleurs;
5- En revanche, une quarantaine de dirigeants et quatre membres du conseil d’administration de la banque se sont remboursés, à même l’argent des actionnaires, de leurs pertes dans les papiers exécrés et exécrables;
6- Les 20 propositions soumises au vote des actionnaires , à une exception près de mineure importance, sont rejetées dans des proportions variables de 90 à 99%, rappelant les votes des dictatures qui ont empesté le climat politique du 20e siècle;
7- Un quotidien montréalais dresse dans son édition du 19 mai 2007 la liste des PDG qui méritent le plus leur salaire. Sur un total de 29, celui de la Banque Nationale ( Réal Raymond) arrive au 26e rang, un peu mieux que les avants dernier, Paul Desmarais et André Desmarasis, co-chefs (sic) de la direction de la corporation Power.
Et, à part ça? Tout va très bien, madame la marquise !
Plus de 500 actionnaires assistent à l’assemblée. Outre les auteurs des propositions, personne n’intervient pour prendre la parole. Silence glacial ! Mutisme complet ! Pas tout à fait.
Des banquettes de première ligne, un actionnaire se dirige vers le micro et félicite la direction pour son admirable gestion. On croit rêver ! Les applaudissements fusent et incitent le président et le chef de la direction à « ne pas tirer sur la banque », c’est-à-dire les importuns que nous sommes qui ont la témérité de mettre en doute l’exemplaire sagesse et l’insurpassable compétence des administrateurs de la banque…
Y en marre de ces assemblées loufoques, orchestrées comme du papier musique et des lois partiales comme celle des banques et des sociétés par actions pour contrer les initiatives d’actionnaires qui souhaitent plus de correspondance entre la rémunération et la qualité de gestion des dirigeants.
À titre d’exemple, en vertu de quel droit divin ou régalien des dirigeants d'une banque ou d’une société cotée en bourse ont-ils le privilège abusif de solliciter à même l’argent des actionnaires des mandats les habilitant à voter en leur nom ? Et cela, sans aucune contrepartie financière pour les actionnaires qui soumettent des propositions ?
Y en marre de ces bulletins de vote truqués, des élections fantoches des conseils d’administration et de l’indépendance fictive de ses membres, des rémunérations outrageantes des dirigeants, des actionnaires qui se font entuber* par des lois dictées par les lobbies** bancaires.
À preuve : la loi « sur » les banques, fixe pour un actionnaire ou un groupe d'actionnaires, à cinq pour cent des actions votantes, le droit de proposer des candidatures au conseil d'administration. Cela s'apparente clairement à un abus de droit et à un verrouillage de toute tentative de démocratisation du gouvernement d'entreprise.
Cette disposition légale perpétue le système des « copains d'abord » et la cooptation de personnes d'une seule et même engeance au sein des conseils de nos entreprises. Cette sorte de consanguinité financière, comme dans l'état de nature, bloque l'apport de sang neuf et empêche la régénération d'une race vieillie et braquée sur ses privilèges de caste.
Bref, le Robin des banques en à ras le-bol de faire le mariole dans des assemblées d’actionnaires « paquetées » . N’aurais-je donc tant vécu ces quinze dernières années pour apporter un peu plus de décence et d’imputabilité des dirigeants d’entreprises et en arriver in fine à des plates comédies comme la dernière assemblée de la Banque Nationale ? Et dire que c’est ma banque !
*Mystifier, duper, escroquer. (Le Grand Robert).
**Groupe de personnes exerçant une pression sur les pouvoirs publics en vue d’obtenir des intérêts particuliers.
Sur la photo : Yves Michaud
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