Qu’est-ce qu’un film québécois rentable? Une question épineuse à laquelle ont tenté de répondre les producteurs Sylvain Corbeil (Metafilms) et Christian Larouche (Christal Films Productions), Catherine Loumède, la directrice de la division cinéma de la SODEC, et Odile Tremblay du Devoir, ainsi que Marcel Venne des Cinémas RGFM, lors d’un 5 à 7 animé par l’excellente Marie-Louise Arsenault, très en forme pour l’occasion, le 25 février, dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois,
« Je crois au cinéma québécois » a lancé, d’entrée de jeu, Marcel Venne. Le propriétaire des complexes RGFM de Joliette et Drummondville affirme accorder la priorité aux films québécois sur les « majors » américains, projetant dans ses salles 20% de productions locales. Il reconnaît cependant que, cette année, les films québécois grand public ne sont pas « à la hauteur ».
« Il est vrai qu’il a y une baisse du marché francophone en ce moment », note Christian Larouche. Le producteur de Pee-wee 3D constate qu’un film comme celui-là rejoint un public jeune qu’il ne faut pas négliger. Son succès vient, selon lui, du sentiment d’appartenance qu’il crée auprès des jeunes qui se sentent interpellés, ajoutant qu’il est nécessaire de faire un cinéma diversifié pour retrouver le public.
« La salle de cinéma est porteuse du succès ou de l’échec d’un film. C’est d’abord un succès au ‘‘box office’’ qui assure sa rentabilité, note Christian Larouche. Elle sera prolongée par un marché parallèle, tels les DVD ou la télé sur demande ».
On n’a pas des Monsieur Lazhar, Incendies ou Starbuck à tous les ans!
Par ailleurs, les recettes générées par la présentation à l’étranger ont permis au film Inch’Allah de Anaïs Barbeau-Lavalette de faire ses frais. Peu fréquenté par le public québécois, il n’a rapporté que 500 000 $.
Pour Sylvain Corbeil, le producteur attitré des films de Denis Côté, « la rentabilité n’est pas qu’un exercice comptable ». Même si les films d’auteurs sont souvent des films dits « de festivals », les entrées d’argent qui proviennent des succès à l’international sont réelles. Sans compter que la visibilité qu’ils procurent à notre cinéma pave la voie aux œuvres de nouveaux cinéastes. Ses propos résument fort bien l’adage que « nul n’est prophète en son pays ».
Rebelle, de Kim Nguyen en est un parfait exemple. Le film n’a pas rejoint le public d’ici. Pourtant, il s’est rendu aux Oscars, produisant une déferlante internationale. Les recettes au guichet ont suivi. « Quels films doit subventionner la SODEC? », demande Catherine Loumède. Financer les marchés locaux ou internationaux?
Des surprises attendent au détour. Un film comme Monsieur Lazhar a défié toutes les stratégies de départ. Produit avec une maigre mise de fonds de 250 000 $, il a généré plus de 3 millions de dollars de recettes.
Par contre L’Empire Bossé, un film dit « commercial », n’a pas eu la faveur du public. « On s’est trompé », avoue Mme Loumède. À ces revers « de fortune », la représentante de la SODEC répond que la qualité doit primer, qu’il faut produire les meilleurs films possibles et, ajoute-t-elle, penser à revoir la façon d’évaluer les projets soumis, cela à tous les paliers, distributeur, producteur, scénariste.
Pour Odile Tremblay, la rentabilité du cinéma québécois se décline d’abord sur le mode de l’art et de la culture. L’art n’a pas de prix. Elle remet en question toute discussion autour de la rentabilité. Il est vrai que le consommateur délaisse les salles au profit du cinéma maison, que les films d’auteurs peinent à percer. Le public préfère les « feel good movies » (pensez au succès de La grande séduction) aux films sombres proposés au cours des dernières années. Elle impute la responsabilité des échecs à la faiblesse du scénario.
Les différents acteurs de l’industrie présents ont concilié leurs points de vue autour de la nécessité d’augmenter le soutien aux scénaristes. À l’unanimité, ils ont reconnu qu’un bon film dépend d’abord et avant tout d’un solide scénario. Nos techniciens, costumiers, décorateurs, preneurs de son, directeurs photo n’ont rien à envier aux productions étrangères.
Laissons la conclusion à une intervenante de la salle qui a résumé fort simplement la question, reléguant les questions de gros sous au second plan.
Minou Petrovski, ex-chroniqueuse de cinéma bien connue, rappelle que le succès de Liaison Royale, un film danois toujours à affiche à Montréal, repose sur les principales qualités auxquelles doit répondre un film. L’excellence du scénario – dont le contenu est basé sur une recherche approfondie – le choix des interprètes, la beauté des costumes et des décors, tout concourt à faire de ce film non seulement une réussite commerciale, mais un divertissement de qualité qui rejoint tous les publics.