Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois, invite la Chambre des communes à se méfier de l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine, que ce soit par Justin Trudeau ou par les conservateurs, en vue de faire la promotion du commerce pétrolier et gazier de l’Ouest canadien.
« Je me refuse à croire que des entreprises ou des élus canadiens oseraient prendre prétexte du drame qui déchire l’Ukraine pour en tirer un intérêt financier et relancer un secteur pétrolier qui doit au contraire être l’objet de repli progressif, mais tout de même rapide. En plus, aucun scénario n’existe sur un horizon de plusieurs années pour permettre au gaz naturel et au pétrole canadiens de remplacer ladite dépendance de l’Europe aux énergies fossiles russes. Avant que les hydrocarbures canadiens n’atteignent l’Europe en volumes significatifs, l’assaut de l’Ukraine sera depuis longtemps terminé. Cette fausse solution n’est d’aucun secours pour le peuple ukrainien. Le premier ministre conserve l’appui du Bloc Québécois aux sanctions contre la Russie et aux soutiens militaire et humanitaire des Ukrainiens, mais il doit renoncer à cette instrumentalisation de la crise au profit exclusif des hydrocarbures. Quant aux conservateurs, ils doivent s’élever à la hauteur que le courage de l’Ukraine commande », a déclaré M. Blanchet.
Dès le déclenchement des hostilités par Moscou, les conservateurs ont martelé la nécessité d’exporter davantage d’énergies fossiles canadiennes pour limiter l’influence de Moscou, qui fournissait à l’Europe 40% de son gaz naturel et 20% de son pétrole.
Cela nécessiterait la construction de nouveaux pipelines à travers le territoire québécois et vers l’Atlantique, en provenance de l’Alberta. Or :
• L’unique projet de pipeline ayant été officiellement déposé pour exporter du gaz naturel liquéfié vers l’Atlantique, GNL Québec, avait pour objectif d’entrer en fonction seulement en 2025-2026 avant que le gouvernement du Québec le rejette;
• Le seul nouveau projet déjà envisagé d’oléoduc de transport ouest-est du pétrole albertain, le défunt Énergie Est, estimait à cinq ans son délai de mise en service, avant d’être lui aussi refusé par le Québec et d’être abandonné en 2017.
Mardi, questionné par M. Blanchet, le premier ministre Trudeau a lui aussi dépeint l’exportation d’énergies fossiles de l’Ouest comme une piste de solution en Ukraine : « L’Europe dépend encore énormément du gaz et du pétrole russes (…). Nous allons vers une décarbonisation de l’économie mondiale, mais on n’est pas là encore, alors nous allons être là avec les ressources nécessaires pour aider nos amis européens ». Des propos qui le mettent en porte-à-faux avec :
• Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui faisait valoir hier que « Les événements actuels nous le montrent très clairement : notre dépendance continue à l’égard des combustibles fossiles rend l’économie mondiale et la sécurité énergétique vulnérables aux chocs et aux crises géopolitiques. Au lieu de ralentir la décarbonisation de l’économie mondiale, il est temps d’accélérer la transition énergétique ».
• Svitlana Krakovska, cheffe de la délégation ukrainienne dans les négociations du GIEC, qui déclarait que « Le changement climatique provoqué par l'Homme et la guerre en Ukraine ont les mêmes racines: les combustibles fossiles et notre dépendance vis-à vis d'eux. (…) Nous espérons que le monde ne capitulera pas dans sa construction d'un avenir climatique durable. »
« Non seulement l’augmentation des exportations d’énergies fossiles canadiennes est une fausse piste, mais elle pourrait pérenniser la dépendance européenne, qui met déjà en place des alternatives en termes d’approvisionnement, et ainsi accentuer les problèmes d’instabilité du monde occidental, de l’avis même de l’Ukraine qui la combat par les armes aujourd’hui et de l’ONU. La crise immédiate en Ukraine ne doit pas se transformer en intensification permanente de la crise climatique », a conclu M. Blanchet.
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