L’auteur est syndicaliste.
Ces dernières années, la ville de Granby a refait une beauté à son centre-ville. J’ai profité des rares journées ensoleillées de l’été pour m’y promener et constater de visu tous les changements apportés. Lors de ces promenades, deux choses m’ont sauté aux yeux. D’abord, la beauté des aménagements apportés au centre-ville. On y trouve un souci évident de faire cohabiter les piétons, les cyclistes et les automobilistes. L’autre chose qui saute aux yeux est, malheureusement, la recrudescence du nombre de personnes en situation d’itinérance.
J’ai habité la région toute ma vie et je me rends à Granby régulièrement pour y effectuer mes achats ou pour mes loisirs, et je n’avais jamais vu autant d’itinérance. En mai dernier, la ville a même dû présenter une politique pour soutenir et guider les personnes vivant en situation d’itinérance. Celle-ci vise, entre autres, à favoriser la cohabitation sociale entre tous les citoyens de la ville. C'est une approche à plusieurs volets.
Il y a eu l’embauche d’une agente sociocommunautaire au service de police de la municipalité, puis la réalisation d’une page web afin de renforcer le sentiment de sécurité et permettre aux citoyennes et aux citoyens de mieux comprendre les enjeux reliés à l’itinérance. On a aussi procédé à l’aménagement de deux « Lieux de tolérance », situés dans des espaces verts de la ville (La ville a dû en fermer un, à la suite d'un trop grand nombre de plaintes). Les personnes itinérantes peuvent s’y installer jusqu’au 31 octobre prochain. Les seuls équipements qui y sont acceptés sont les tentes et les vélos, et des règles de vie doivent également y être respectées.
L’administration municipale travaille également en collaboration avec des organismes de son territoire, comme le Comité itinérance du Groupe action solution pauvreté (GASP). La ville a également adhéré à l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance (ACMI). Il faut saluer cette approche globale que la ville a prise pour tenter de gérer l’itinérance sur son territoire.
Malheureusement, le 31 octobre prochain, à la fermeture du lieu de tolérance, le problème restera entier. Que faire avec ces personnes itinérantes à l’approche de l’hiver? Un autre beau défi pour les élus de la ville de Granby, un problème dont devraient pourtant s’occuper nos élus à Québec en aidant les municipalités comme Granby.
Granby en tête de liste
On a l’habitude d’associer l’itinérance aux grands centres urbains comme Montréal et Québec, et non aux villes de moyenne taille en région. Pourtant, Granby n’y échappe pas et je crains que ce ne soit pas demain la veille que le phénomène de l’itinérance se résorbe. Nous avons en place à Québec un gouvernement qui fait la sourde oreille aux appels à l’aide répétés des municipalités.
À la base de cette itinérance, il y a le manque de logements. Selon le Groupe solution pauvreté (GASP), c’est à Granby, une ville qui compte un peu plus de 70 000 habitants, que l’on trouve le moins de logements abordables ou sociaux. L’année dernière, Granby a remporté la triste palme de la plus forte hausse des loyers des logements à louer avec 54% d’augmentation en un an seulement.
Toujours selon le GASP, il faudrait au moins 1 000 logements pour combler les besoins de la municipalité et l’OMH de Granby a une liste d’attente d’environ 400 personnes, ce qui laisse présager un sombre avenir pour les ménages à faibles revenus. Le GASP soutient que, selon les dernières données de Statistique Canada, près de 4 000 familles de Granby dépensent plus de 30% de leurs revenus pour se loger. Il y a pire encore : 215 ménages dépenseraient l’entièreté de leurs revenus pour avoir un toit au-dessus de leur tête. Le phénomène de l’itinérance est donc loin d’être résolu.
Québec aux abonnés absents
Plusieurs mairesses et maires du Québec sonnent l’alarme auprès du gouvernement Legault et il semble bien que leurs cris ne soient pas entendus. Bruno Marchand, le maire de Québec, qui préside un nouveau comité de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) sur l’itinérance, a récemment accusé le gouvernement du Québec d’immobilisme face à l’itinérance. Le maire Marchand a lancé un cri du cœur : « Ce sont les villes qui sont prises avec le problème et, pendant ce temps-là, le gouvernement du Québec, il est où? »
Il ne faut pas se surprendre qu’on en soit rendu là. Nous avons un gouvernement qui a nié l’existence même de la crise du logement pendant tout son premier mandat, une ministre de l’Habitation qui a tenu des propos qualifiés d’insensibles envers les locataires, au mois de juin dernier lors du dépôt de son projet de loi, dénoncé par les associations de locataires. Le ministre responsable des services sociaux, M. Lionel Carmant, a été interpelé, il y a plusieurs mois, pour venir en aide à la ville de Québec. Le maire Marchand est toujours en attente d’une réponse. Avec une telle attitude de notre « bon » gouvernement face aux problèmes de logements et d’itinérance, on est loin d’une solution.
Si le gouvernement manifestait de l’écoute et de la volonté politique de s’attaquer à la pénurie de logements et, par le fait même, à l’itinérance, le Québec pourrait devenir un exemple en matière de lutte à l’itinérance. Faut-il rappeler que le gouvernement Legault est en place depuis cinq ans, qu’il a les coudées franches avec sa super majorité à l’Assemblée nationale, qu’il a hérité de surplus budgétaires de plusieurs milliards, conséquence de programmes d’austérité des libéraux et d’une situation économique rêvée pour n’importe quel gouvernement? Mais rien de constructif n’est mis en branle pour remédier à la situation. Nada!
Des solutions possibles
Pourquoi le gouvernement ne serait-il pas le fer de lance d’une grande campagne d’investissements dans le logement au Québec? Il pourrait, par exemple, réunir les représentants des municipalités, du gouvernement du Canada, de la Caisse de dépôt et placement, des banques, du Mouvement Desjardins, des fonds de solidarité de la FTQ et de la CSN, et mettre en place la création d’un fonds québécois d’investissements dans le logement locatif.
Ce fonds aurait comme mission d’investir au Québec dans trois types de logements :
- Le logement abordable ou social afin de s’assurer que les ménages québécois puissent se loger convenablement pour moins de 30% de leurs revenus.
- Le logement pour étudiant, soit des logements à coût abordable, situés près des lieux d’apprentissage postsecondaire. Ils permettraient l’accès aux étudiants des régions à un enseignement supérieur. Ce serait également une bonne façon d’attirer des étudiantes et des étudiants étrangers. Les études sont la façon la plus harmonieuse d’intégrer des personnes immigrantes à notre société et d’enrichir notre société avec leur établissement définitif au Québec.
- Finalement, le fonds québécois en logements pourrait investir dans les coopératives de logements et en faire la promotion pour aider des ménages à faibles revenus à accéder à un logement convenable à un coût raisonnable.
Ce grand chantier pour le logement pourrait contribuer à éradiquer l’itinérance et la pauvreté au Québec.
M. Legault, je vous ai entendu ce mois-ci annoncer avec fierté un investissement majeur dans une usine de batteries à Bécancour. Vous aviez raison d’être fier. Les personnes à faibles revenus et les étudiants seraient fiers de vous, s’ils pouvaient se loger convenablement à coût raisonnable, et le peuple québécois serait également fier de vivre dans un pays sans itinérance. Il n’en tient qu’à vous de vous servir des outils que le peuple québécois vous a donnés deux fois plutôt qu’une et de faire en sorte que des villes comme Granby n’aient plus à se doter de « lieux de tolérance » pour tolérer l’intolérable dans une société riche comme la nôtre.
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