La CAQ : Le parti d’un seul homme

2024/02/21 | Par Sylvain Martin

Dernièrement, le premier ministre Legault a donné, avec le ton paternaliste qu’on lui connait, un avertissement au peuple québécois. Selon Papa Legault, certaines personnes doivent changer d’attitude au sujet du projet Northvolt.

En réaction aux recours juridiques intentés par des groupes de citoyens préoccupés par la façon dont le projet Northvolt se déroule, le premier ministre a déclaré en conférence de presse : « Il faut trouver des moyens d’économiser de l’électricité, que ça soit les transports en commun, que ce soit l’efficacité énergétique. Il faut essayer de consommer moins d’électricité. Oui, il faut construire l’éolien, mais on s’en sortira pas, là, ça va prendre des usines, de l’économie verte comme Northvolt, comme GM, comme Ford, comme d’autres projets. »

Il y a quelques semaines, le ministre Fitzgibbon a lui aussi, à sa façon, lancé un avertissement aux citoyens du Québec au sujet de ce qu’il appelle « la judiciarisation du dossier Northvolt ». Cette « judiciarisation » envoie, selon lui, un mauvais message aux investisseurs étrangers. M. Fitzgibbon a du même souffle déclaré : « Ma crainte, c’est qu’on touche à la crédibilité du Québec. »

Mais de quelle crédibilité parlait-il? Croit-il qu’au Québec la population va acquiescer sans trop poser de questions à tous les projets que notre « bon » gouvernement affirme être « bon » pour nous? Faudrait-il que les investisseurs étrangers soient convaincus que, dans le cadre d’une entente avec le gouvernement, tout le Québec va applaudir et dire : Merci?

Je ne crois pas que des entreprises de l’envergure de Northvolt, qui investissent des centaines de millions de dollars dans des projets industriels, ne sachent pas quel genre de société est le Québec et ne soient pas au courant qu’il y a des lois au Québec qu’il faut respecter.

Le paternaliste « caquien »

Je peux donner d’autres exemples de ce paternaliste « caquien ». Lors de l’adoption du projet de loi 31, la ministre Duranceau a fait la sourde oreille à toutes les demandes d’amendements à son projet de loi, malgré le fait que tous les groupes qui sont intervenus aient décrié ce projet de loi favorable aux propriétaires.  Par exemple, lorsque Québec solidaire et le Parti Québécois ont proposé de modifier ce qu’on appelle « la loi Françoise David » pour abaisser de 70 à 65 ans l'âge auquel un propriétaire ne peut évincer une personne ainée à faible revenu, la ministre s’est contentée de dire que ce n’est pas toutes les personnes de 65 et plus qui sont à faible revenu!?!

Récemment, plutôt que d’admettre d’emblée qu’il n’était pas approprié, lors de la tenue de cocktail de financement dans une circonscription, de monnayer la rencontre avec un ou une ministre, la CAQ a préféré s’en prendre aux députés qui remettaient en question cette pratique.

Et que dire de ce refus de la CAQ d’admettre que le peuple québécois, les représentants de la société civile et les députés des autres partis politiques ne sont pas des béni-oui-oui devant tout ce que le gouvernement Legault  propose? De cette tendance à essayer de nous faire la morale à coups de semonce paternalistes parce que nous posons des questions légitimes ? Que penser d’un premier m qui nous a dit, déjà à quelques reprises, qu’il se sent « triste » devant certains de nos agissements? Cette façon de faire frôle le mépris.

L’ADN de la CAQ

Malheureusement, il ne faut pas se surprendre de cette attitude. Elle est dans l’ADN de la CAQ. Quand j’étais dirigeant syndical et que j’avais besoin de me recentrer sur mon travail et de trouver l’attitude à adopter devant certaines situations, mon premier réflexe était d’aller consulter les statuts de mon syndicat.

Pour une organisation, les statuts constituent le premier document officiel adopté lors de sa création. De ce fait, il représente ce que j’appelle l’ADN de l’organisation. Vieux réflexe de dirigeant syndical, je suis allé consulter les statuts de la CAQ en ligne.

On y constate toute l’omnipotence de M. Legault. Par exemple, l’article 14 (1) se lit comme suit : « Le chef de la coalition est monsieur François Legault, et, ce jusqu’au moment où la fonction devient vacante. »

Un peu plus loin au chapitre 4, on y mentionne la procédure pour le choix des candidates et des candidats.

« 29. Candidature
(1) Le chef désigne, de la manière prévue par la loi électorale, tous les candidats de la coalition à quelconque élection québécoise, qu’elle soit partielle ou générale.
(2) Le chef peut, s’il le juge opportun, ordonner qu’une investiture soit tenue dans une circonscription donnée. Le conseil exécutif national fixe alors les règles de procédure et décide de toute autre question soulevée par la tenue de l’investiture.
(3) Est officiellement reconnu comme candidat de la coalition celui qui reçoit un avis écrit du chef à cet effet. Telle candidature est valide jusqu’à la date de l’élection pour laquelle ce candidat a été désigné.
(4) Nonobstant l’article 29(2) et (3) des présentes, le chef peut désavouer et retirer la qualité de candidat de la coalition à toute personne, et, ce sans avoir à en donner la justification. »

À la lecture de ces articles, on constate que le « cheuf », François Legault, a tous les pouvoirs concernant les candidatures de la CAQ et que les membres n’ont aucune emprise sur ses choix.

Précisons que je ne veux nullement critiquer les façons de faire de ce parti politique. Comme on dit, c’est de la régie interne et si j’ai envie que ça change, je n’ai qu’à devenir membre de la CAQ et proposer les changements que je crois nécessaires.

Mais, ce que je dis, c’est que – les statuts étant l’ADN d’une organisation –, vu le pouvoir absolu du « Cheuf », il ne faut pas se surprendre que le « cheuf » ne tolère pas la critique. Autrement dit, on n'a pas à chercher bien loin pour comprendre pourquoi les ténors de la CAQ, en commençant par M. Legault, ont tendance à se croire tout puissants. C’est dans l’ADN de leur parti! C’est de cette façon qu’ils pensent que les choses doivent fonctionner. Comme on dit : ceci explique cela.

À mon avis, la députation de la CAQ, ses ténors et M, Legault auraient intérêt à se rappeler que près de 60% de la population n’a pas voté pour eux, qu’un État, ça se gouverne, ça ne se dirige pas comme une entreprise ou un parti politique avec un « cheuf » omnipotent.

Gouverner un État, c’est très difficile. Le peuple québécois n’est pas monolithique, l’adhésion aux propositions de ses élus ne se fait pas à coups d’avertissements ou de « ça me rend triste ».

Le peuple québécois et les représentants de la société civile – ceux que M. Legault appelle péjorativement les groupes de pression – demandent à être consultés, écoutés et entendus. La CAQ peut bien fonctionner comme elle le désire, mais le Québec ne fonctionnera pas selon les bons désirs de la CAQ, de ses ténors et de son « cheuf ».