Tous les médias ont repris en boucle et crié au scandale suite à la révélation du journaliste Francis Vailles sur l’indemnité de départ 378 750 $ versée l’ancien PDG de la Caisse de Dépôt, Henri-Paul Rousseau.
On aurait pu rappeler que, lorsqu’il avait accédé à la direction de la Caisse de dépôt en mai 2002, l’ancien PDG de la Banque Laurentienne avait accepté une importante diminution de salaire de 1,3 million $ à 500 000 $ en disant : « Dans les motivations d’un travail, il y a le salaire et la rémunération, mais il y a aussi le défi, l’environnement et la capacité de réaliser des choses » (La Presse 30 mai 2007).
Est-ce par faute de « défi, d’environnement ou de capacité de réaliser des choses » – on ne le saura sans doute jamais – mais toujours est-il qu’Henri-Paul Rousseau s’était bien vite ravisé. En 2006, il a doublé sa rémunération, pour atteindre 1,65 million $, avec une prime spéciale de 728 310 $ comme reconnaissance pour « la performance supérieure réalisée par la Caisse ».
C’est cette « performance supérieure » qui a conduit aujourd’hui la Caisse au bord de la faillite avec un porte-feuille de 13 milliards en papiers commerciaux adossés à… rien du tout.
Ce faisant, M. Rousseau avait mis au second plan la contribution de la Caisse au développement économique du Québec et s’était attardé à son mandat de « gérer en recherchant le rendement optimal du capital de ses déposants. »
Ce qu’il fit si bien qu’un journaliste de La Presse a calculé qu’à son départ à peine 15,7 % de l’actif total des déposants géré par la Caisse était détenu au Québec dont près de la moitié portait exclusivement sur des obligations émises par le gouvernement et des organismes du secteur parapublic. En fait, seulement 8 % des actifs de la Caisse étaient directement investis dans l’économie du Québec. C’est moins que les investissements de la Caisse en Russie!
Cependant, la Caisse sous la gouverne d’Henri-Paul Rousseau ne négligea pas d’investir dans Power Corporation et ses filiales. Ainsi, la Caisse détenait, au 31 décembre 2007, 4,6 millions d’actions de Power, représentant un investissement de 187,5 millions de dollars. Elle possédait également des titres dans les filiales de Power qui sont liées à Total, soit Corporation Financière Power (212,9 M$), Pargesa (500 000 $) et Groupe Bruxelles Lambert (5,4 M$). En tout, ce sont 406 MS dans Power et ses sociétés.
Mais le portrait est partiel. Il faudrait, entre autres, ajouter les investissements de la Caisse dans des entreprises où elle vient épauler Power Corporation. Par exemple, la Caisse a une participation de 131 M$ dans la Total, la pétrolière française où on retrouve Paul Desmarais Jr sur son conseil d’administration.
Ces derniers jours, le journaliste Gérald Filion de Radio-Canada a révélé que Henri-Paul Rousseau avait touché une prime de 800 000 actions de Power Corporation lors de son entrée en fonction chez les Desmarais. Il pourra exercer ses options d’achat de ces actions lorsqu’elles auront acquis de la valeur et ces gains en capitaux ne seront taxés qu’à 50 %, alors que le salaire du commun des mortels l’est à 100 %.
Il faut dire que Henri-Paul Rousseau avec sa connaissance pointue des entreprises québécoises vaut son pesant d’or, particulièrement en cette période de crise où les vautours comme Power Corporation sont à l’affût des bonnes occasions. « C’est le bon moment pour acheter », avait déclaré Stephen Harper pendant la campagne électorale. C’est sans doute pour que M. Desmarais, dont les médias québécois appuient M. Harper de façon éhontée, puisse être aux premières loges qu’il l’a nommé sur le Comité des sages chargé de conseiller le gouvernement face à la crise économique.
Pour en revenir à Henri-Paul Rousseau, sa prime est un remake à une plus grande échelle du cas du ministre Couillard qui a modifié la loi en faveur des cliniques privées la veille de sa démission et de son embauche par le Groupe de santé Medysis. Ça ressemble également au parcours de Frank Zampino, le bras droit du maire Gérald Tremblay qui, après sa démission de l’administration municipale à Montréal, a été embauché par la firme d'ingénieurs Dessau, partenaire d'un consortium qui a raflé le plus important contrat jamais accordé par la Ville de Montréal, celui des compteurs d'eau.
Aux États-Unis, le président Barack Obama vient de signer un décret pour bannir les liaisons incestueuses entre les membres de son personnel politique et les lobbies afin de restaurer la confiance du peuple américain dans l’administration publique.
Finie la pratique des « portes tournantes » entre la fonction publique et le monde des lobbyistes, a déclaré le président Obama, en ajoutant : « Le service public est un privilège. Ça n’a pour but de procurer des avantages personnels. Ça n’a pas pour but de promouvoir les intérêts de vos amis ou de vos clients corporatifs. Ça n’a pas pour but de promouvoir une cause idéologique ou les intérêts spécifiques d’une quelconque organisation. Le service public, c’est tout simplement, et de façon absolue, de promouvoir les intérêts des Américains. »
À quand une telle loi au Québec?
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